L’analyse suivante s’applique lorsqu’un(e) titulaire de permis examine les implications de son obligation d’assurer la confidentialité des renseignements des client(e)s conformément au Code de déontologie (le « Code »). Les règles de confidentialité résultent du devoir de loyauté d’un(e) titulaire de permis envers ses client(e)s et sont essentielles pour gagner leur confiance.
La confidentialité se distingue de la règle législative relative au privilège du secret professionnel. La confidentialité renvoie au devoir déontologique de non-divulgation qui lie bon nombre de professionnelles et professionnels concernant les renseignements relatifs à la représentation de leurs client(e)s. Le client ou la cliente peut renoncer à la confidentialité de ses renseignements ou, dans certains cas, il peut exister une ordonnance du tribunal obligeant la production de certains renseignements et/ou documents. Le secret professionnel, par contre, est une obligation légale de non-divulgation de renseignements et de documents. La divulgation de renseignements protégés ne peut pas être contrainte. Alors que les renseignements protégés sont toujours confidentiels, les renseignements confidentiels ne sont pas toujours protégés.
La règle législative relative au secret professionnel a récemment fait l’objet d’un examen par la Cour dans le cadre de l’affaire Janssen Inc. et Mitsubishi Tanabe Pharma Corporation c. Sandoz Canada Inc., 2021 CF 1265. Il convient de noter que l’interprétation de cette décision peut varier d’une personne à l’autre. Les titulaires de permis doivent garder à l’esprit l’exigence de la règle 1(5) du Code qui prévoit l’obligation de se tenir informé(e) de l’évolution de la jurisprudence relative à leur profession, ainsi que de la législation relative au privilège du secret professionnel des agent(e)s de brevet et des agent(e)s de marques de commerce en particulier. Pour plus de renseignements sur la règle 1(5), veuillez consulter notre précédente analyse éthique.
Le champ d’application de la confidentialité est plus large que celui du privilège du secret professionnel. Comme mentionné ci-dessus, les renseignements protégés sont nécessairement confidentiels alors que tous les renseignements confidentiels ne sont pas toujours protégés. Dans l’affaire Janssen (voir le lien ci-dessus), la Cour précise les types de renseignements et de documents soumis au privilège du secret professionnel dans une relation agent(e)-client(e). Les interprétations des précisions de la Cour concernant les cas où la protection de la communication s’applique ont suscité des débats au sein de la profession et peuvent être différentes.
Concernant le devoir de confidentialité, les titulaires de permis doivent savoir que les règles éthiques y relatives sont applicables dès lors qu’une personne sollicite leurs conseils ou leur assistance sur une question faisant appel à leurs connaissances professionnelles, même si le/la titulaire de permis n’accepte finalement pas de représenter la personne. Ces règles prévoient certaines circonstances où il existe un consentement implicite pour que le/la titulaire de permis communique les renseignements confidentiels de son/sa client(e), notamment à d’autres membres du cabinet.
L’exemple suivant s’inspire d’une demande de renseignements adressée au Collège par une personne du public.
Le scénario
Un inventeur (client)/une inventrice (cliente) communique avec le Collège, préoccupé(e) par le fait que son agent(e) du cabinet X a transmis ses renseignements confidentiels à une autre personne travaillant dans le même cabinet à titre de titulaire de permis. Le/la client(e) veut savoir si les règles relatives à la confidentialité s’étendent aux autres membres du cabinet de son agent(e).
La règle
Le principe de la partie 2 du Code prévoit que « l’agent a le devoir de protéger les renseignements confidentiels et les secrets de ses clients ».
La règle relative à la confidentialité énoncée dans le Code stipule que :
l’agent est tenu de maintenir la plus grande confidentialité relativement aux renseignements qui concernent les affaires et les activités de son client et dont il prend connaissance au cours de la relation professionnelle. Il ne peut communiquer aucun de ces renseignements à moins que le client ne l’ait expressément ou implicitement autorisé à le faire, que la loi ou une ordonnance d’un tribunal ne l’exige ou que le Code ne le permette ou ne l’exige. [règle 2(1)]
Le commentaire de la règle précise que l’agent(e) peut, « à moins d’indication contraire du client, communiquer des renseignements sur les affaires du client aux collègues et associés du cabinet, au personnel administratif et à d’autres personnes physiques du cabinet ».
Plus loin dans le commentaire, il est précisé que :
cette autorisation tacite [de communiquer des renseignements sur les affaires des client(e)s aux collègues et associé(e)s du cabinet, etc.] impose toutefois à l’agent l’obligation de bien faire comprendre à ces personnes physiques l’importance de garder ces renseignements confidentiels (durant et après leur emploi) et exige de l’agent qu’il prenne toutes les précautions voulues pour empêcher ces personnes physiques de communiquer ou d’utiliser des renseignements qu’il est lui-même tenu de garder confidentiels. [voir le commentaire de la règle 2(2)]
Le Code de déontologie prévoit par ailleurs à la règle 7(7) que « l’agent assume toute la responsabilité professionnelle des affaires qui lui sont confiées et encadre directement le personnel et les adjoints à qui il délègue des tâches et des fonctions particulières ».
Notre recommandation
Le Collège a informé le client inventeur/la cliente inventrice à l’origine de la question que le/la titulaire de permis avait l’obligation professionnelle de veiller à la confidentialité de ses secrets. Bien qu’un(e) titulaire de permis puisse divulguer les renseignements confidentiels de ses client(e)s aux membres de son cabinet (à moins que le/la client(e) n’ait expressément refusé son consentement), il/elle doit cependant s’assurer que ses collègues comprennent la nature confidentielle de ces renseignements.
Pour leur part, les titulaires de permis devraient être conscient(e)s de leur obligation de protéger les secrets des client(e)s qui s’inscrit en droite ligne de leur devoir de loyauté envers leurs client(e)s.
Outre l’obligation de bien faire comprendre à ses collègues à qui il/elle communique des renseignements confidentiels le devoir de non-divulgation de ceux-ci, les titulaires de permis sont explicitement tenu(e)s par le Code d’assurer l’encadrement de leur personnel. Le Code stipule que le/la titulaire de permis assume toute la responsabilité professionnelle des affaires dont il/elle a la charge. Un encadrement approprié devrait par conséquent lui permettre de préserver la confidentialité des renseignements de ses client(e)s dans le cadre de sa pratique.
En fin de compte, chaque titulaire de permis doit décider des moyens et garanties nécessaires au respect de ses obligations professionnelles. Il incombe à cette personne d’exercer son propre jugement professionnel dans toute circonstance donnée. Cependant, c’est avec plaisir que nous aiderons les titulaires de permis à interpréter le Code par l’entremise du processus d’enquête déontologique dans le cadre du processus d’évaluation des risques et d’analyse éthique.
Nous sommes impatient(e)s de recevoir d’autres demandes et de fournir davantage de conseils aux titulaires de permis. Ce processus nous aide à cerner les domaines dans lesquels de plus amples renseignements ou analyses pourraient être utiles et contribuera à éclairer notre consultation sur le Code, qui sera lancée au début de 2023.