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Taillefer et la norme de la diligence requise

La décision de la Cour fédérale dans l’affaire Taillefer v. Canada (Attorney General), 2024 CF 259, qui a été publiée plus tôt cette année, a provoqué l’envoi d’un nombre de demandes de renseignements en matière d’éthique au CABAMC. Les questions posées couvrent des sujets comme la marche à suivre en tant qu’agent(e) de brevets successeur lorsqu’on découvre que l’agent(e) précédent(e) semble avoir manqué à son obligation de diligence au détriment d’un(e) client(e), ou encore des éclaircissements afin de déterminer si un(e) agent(e) s’est acquitté(e) de son obligation de diligence dans une affaire en vue de communiquer efficacement avec un(e) client(e) qui ne répond pas. La décision Taillefer vient appuyer la position de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) selon laquelle les agent(e)s de brevets sont assujetti(e)s à des critères plus stricts en matière de diligence requise que ce qui était précédemment entendu par les titulaires de permis dans le cadre des communications avec la clientèle. 

Des auteurs ont commenté sur l’importance de la décision Taillefer dans le cadre des communications entre l’agent(e) et ses client(e)s, dont Alan Macek dans son billet de blogue du 20 mars 2024 intitulé “Due Care” Required to Overcome Missed Patent Deadlines : 

[Traduction] 

Dans la décision Taillefer v. Canada (Attorney General), 2024 CF 259, la Cour fédérale a examiné les dispositions relatives à la diligence requise de la Loi sur les brevets pour la première fois depuis leur mise en œuvre en 2019. Ces dispositions autorisent un demandeur à rétablir un brevet ou une demande de brevet dans une situation où la taxe de maintien en état n’a pas été payée en temps opportun.  

Lorsqu’une taxe annuelle n’est pas payée à la date d’échéance, le Bureau des brevets doit envoyer un avis à l’agent(e) de brevet établissant un délai de deux mois pour le rétablissement. Si ce deuxième délai n’est pas respecté, la partie demanderesse doit établir que le délai n’a pas été respecté malgré l’exercice de la diligence requise en vue de le respecter. 

Avant 2019, un(e) demandeur(-resse) pouvait simplement rétablir son brevet ou sa demande de brevet en payant la taxe exigée dans l’année suivant la date d’échéance non respectée. Aucune explication n’était requise quant à la raison pour laquelle la taxe n’avait pas été payée à temps.  

Les dispositions de la Loi sur les brevets prévoient que le breveté, ou le(la) demandeur(-resse) dans le cas d’une demande en instance, doit fournir conjointement à sa demande et sa taxe « les raisons pour lesquelles il [ou elle] a omis de payer les taxe et surtaxe réglementaires dans les six mois qui suivent la date réglementaire applicable ou, s’ils se terminent plus tard, dans les deux mois qui suivent la date de l’avis ». Le Bureau des brevets détermine ensuite si « l’omission a été commise bien que la diligence requise en l’espèce ait été exercée », voir les paragraphes 46(5) et 73(3) de la Loi sur les brevets. 

Les faits de l’affaire Taillefer étaient simples. Un agent de brevets avait pour routine de communiquer avec son client par courriel afin d’obtenir des directives quant au paiement des taxes annuelles de maintien en état. Les rappels par courriel envoyés par l’agent se sont éventuellement retrouvés dans le dossier des courriels indésirables du breveté, où ils ont été découverts bien après que l’OPIC ait envoyé ses rappels à l’agent au dossier et ultimement déterminé que la demande de brevet avait été abandonnée. En réponse à une demande visant le rétablissement de la demande, le commissaire de l’OPIC a décidé que l’agent et son client n’avaient pas exercé la diligence requise dans l’établissement d’une méthode de communication efficace. La Cour fédérale a confirmé cette décision de l’OPIC et conclu qu’il était raisonnable pour l’OPIC de déterminer qu’un demandeur doit s’assurer que le système de communication établi entre lui et son agent est fonctionnel afin de permettre la transmission de rapports et de directives, et que des mesures permettant d’éviter l’échec des communications auraient dû être envisagées. La Cour s’est dite d’accord avec l’OPIC quant au fait que les agent(e)s doivent avoir des mécanismes de communication en place afin de toujours pouvoir communiquer efficacement avec leur clientèle. 

La décision Taillefer confirme que les personnes qui s’appuient sur les dispositions relatives à la diligence requise de la Loi sur les brevets doivent s’acquitter de normes élevées. 

Les communications et le Code de déontologie

Il y a de nombreuses règles pertinentes dans le Code qui fournissent de l’orientation aux agent(e)s quant à l’évaluation des systèmes de communication qui devraient être mis en place, à ce qui est entendu par « communications efficaces » en contexte, ainsi qu’aux normes éthiques auxquelles les titulaires de permis sont tenus à l’occasion d’une plainte. 

Le devoir de compétence de la Règle 1 établit la responsabilité d’être attentif aux intérêts de sa clientèle et d’établir les dossiers, les systèmes ou les méthodes nécessaires en vue de mener ses activités professionnelles (règle 1(2)(a)). De même, la règle 1(4) précise que « [l]’agent doit maintenir des méthodes administratives et des systèmes appropriés, y compris tout système visant à respecter les délais dans les dossiers des clients ainsi qu’à gérer et à tenir à jour les affaires des clients, sans leur causer préjudice ». La décision de la Cour dans l’affaire Taillefer est entièrement cohérente avec les normes éthiques. 

Le commentaire de la règle 4(3) concernant la qualité du service prévoit ce qui suit : « L’agent doit communiquer de façon efficace avec le client. La notion d’efficacité peut varier selon la nature du mandat, les besoins et les connaissances du client ainsi que la nécessité pour le client de prendre des décisions éclairées et de donner des directives. » De plus, la règle 4(6) prévoit ce qui suit : « L’agent communique de manière efficace et opportune au cours de toutes les étapes de l’affaire ou de la transaction du client. » 

Ces règles établissent des attentes et des normes élevées au regard du caractère efficace et opportun des communications en un(e) agent(e) et sa clientèle à toutes les étapes de l’affaire pour laquelle des services sont rendus. On pourrait arguer que la norme civile de la diligence requise établie dans la décision Taillefer suit de près les normes éthiques de Code. 

Cela étant dit, il y a des cas où, malgré le déploiement des meilleurs efforts et de la diligence requise, un(e) agent(e) peut tout de même se retrouver avec des client(e)s qui ne répondent pas aux communications en tout genre, laissant ainsi l’agent(e) sans directives mandatant l’exécution des mesures nécessaires pour protéger les intérêts de ces client(e)s. Comment peut-on éviter ces occurrences? 

La gestion des attentes de la clientèle et des communications avec celle-ci doit être un processus continu. Les pratiques exemplaires comprennent ce qui suit : 

  • Obtenir dès le départ les coordonnées complètes des client(e)s, y compris le code postal, les adresses courriel et les différents numéros de téléphone. 
  • L’établissement d’un mandat de représentation écrit avec les client(e)s dans lequel sont énoncées les attentes en matière de communication, et en vertu duquel les client(e)s doivent immédiatement aviser l’agent(e) de tout changement dans les coordonnées. 
  • Confirmer les directives des client(e)s par écrit, y compris en ce qui a trait aux méthodes établies pour la transmission des directives et la modification de ces directives. 
  • Lorsqu’une demande est en instance ou approuvée, prendre les mesures nécessaires pour rappeler aux client(e)s, par écrit, les dates d’échéance pour le paiement des annuités et de la taxe de maintien en état et pour confirmer les méthodes de paiement. Indiquer clairement les étapes que vous prendrez et ne prendrez pas lorsque les client(e)s ne vous transmettent pas de directives ou n’effectuent pas les paiements requis, de même que le risque d’abandon. 
  • Si vous avez de la difficulté à obtenir les directives d’un(e) client(e) au moyen du mode de communication prévu, essayez de communiquer par d’autres moyens. Dans le cas de client(e)s qui ne répondent pas aux courriels, envisagez la possibilité de téléphoner ou d’envoyer une lettre pour lui demander ses directives. 

Les processus liés aux brevets et aux marques de commerce sont largement routiniers et dictés par les dates d’échéance. Néanmoins, prendre d’emblée les mesures nécessaires dans le cadre d’un mandat et à la fin de celui-ci pour veiller à ce que les client(e)s comprennent l’état de la situation pourrait s’avérer d’un immense service à long terme, tant pour vous que vos client(e)s, en réduisant les risques liés aux problèmes de communication et de délais non respectés dont les conséquences sont parfois irréversibles. 

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